70 ans : Libération des camps (1)

Le 27 janvier 1945, il y a 70 ans, le camp de concentration et d’extermination d’Auschwitz était libéré par l’Armée rouge. Les soviétiques découvraient ce qui deviendra le symbole terrifiant du nazisme.
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Né en 1952, j’ai eu dans les années 60 toute une sensibilisation à cette période historique, à découvrir l’hallucinante industrie nazie du racisme et de la déportation. C’est une donnée fondatrice de ce que je suis.
- Mon prénom est celui de mon parrain, déporté à Dachau, pour faits de résistance (arrêté en 1943 alors qu’il transportait dans son camion bétaillère de la nourriture et des armes pour les maquis entre Savoie et Haute-Savoie). Il avait épousé une de mes tantes paternelles. Solide, ayant fait jeune de la boxe, il revint de Dachau en 1945.
- Mon père, policier à Annecy, membre de l’AS et des NAP, fut interné par la Milice (« les Canadiennes) à « l’intendance » : frappé, emprisonné dans des conditions lamentables, il fut finalement libéré, après des jours de mauvais traitement -fautes de preuves tangibles et d’aveu. Dans un texte tapé après guerre à la machine à écrire, il dénombrait : « Police… là encore se sont manifestés de nombreux dévouements. Hélas, … là comme ailleurs des camarades ont payé de leur liberté, de leur vie. Vingt arrêtés, dix déportés, six morts, uniquement à Annecy. »

Il était membre de la FNDIRP et abonné à son bulletin. J’ai souvent lu les numéros (j’en possède encore) du bulletin de Haute-Savoie de cette association, la Fédération Nationale des Déportés, Internés, Résistants et Patriotes. Ma mère, veuve, continua d’ailleurs à y être abonnée.
Les témoignages et les photos publiées dans cette revue ont beaucoup marqué l’enfant que j’étais.
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J’ai aussi le souvenir de quelques dimanches, j’avais entre 8 et 12 ans, où mon parrain, mon père et d’autres échangeaient à la fin du repas, sur ces années là.
Moi gamin, tout à l’écoute, muet et fasciné.

Depuis …, depuis toujours en fait, je n’ai pas cessé de lire, et d’aller voir les films sur ces sujets, d’écouter des conférences sur cette période et sur l’extermination raciste programmée par le nazisme. Un impensable, une incarnation systématique et répétitive du Mal.
Pour moi, l’antisémitisme est le sommet de l’abjection dans notre pays. Ce sera toujours plus fort dans mon esprit que toute pensée construite, c’est ancré.
Primo-L
« Si c’est un homme », de Primo Levi, m’avait percuté et terrifié. Il est des lectures qui ne laissent pas indemne.

● La BD « Maus » (je consacrerai spécifiquement un autre article au livre d’Art Spiegelman) est un formidable vecteur pour appréhender les persécutions anti-juives et les camps nazis.

● Le film « Shoah » est une référence, un point de repère.

Il y eut aussi beaucoup de déportés pour faits de Résistance, les « politiques », affectés d’un triangle rouge sur leur tenue rayée.
J’ai souvent discuté avec Walter Bassan qui habite à Gaillard. *
Walter, qui fut déporté à Dachau, est maintenant président national de la FNDIRP. Il reste droit, résistant et intègre. Son enfance, il l’a passé à Juvigny, près d’Annemasse. Il souhaite que la Ville d’Annemasse puisse commémorer avec force ces 70 ans qui nous séparent de cette année, heureuse finalement, de libération des camps.
Les collègues de la municipalité en charge de notre mémoire historique sont à l’œuvre avec les personnes du service municipal pour rappeler en 2015 les moments terribles de l’univers concentrationnaire. Et évoquer le rôle d’Annemasse dans l’accueil de déportés en 1945 et singulièrement de femmes déportées : de Ravensbrück et Mathausen, rapatriées par la Croix Rouge via la Suisse, c’est ici, à Annemasse, que des centaines retrouvèrent le sol français.
Un jour heureux, en France, enfin.

livre bermond Walter, matricule 75823, m’a également donné un livre écrit et dessiné par un compagnon déporté résistant à Dachau : Paul Bermond, matricule 75902, a ainsi réalisé une cinquantaine de dessins avec des textes narratifs réalisés pendant sa convalescence, au retour de Dachau, à l’été 1945.
Je mets ici quelques dessins commentés, d’une facture naïve et simple. Aucun témoignage n’est à négliger.
Trop de choses n’ont pas été dites, écrites, photographiées, dessinées.
Et jamais on n’en fera trop sur ce sujet.

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J’ai connu Walter Bassan, via le documentariste Gilles Perret, lorsqu’un candidat à la Présidence de la République voulut utiliser le symbolisme du maquis de Glières pour son look personnel, sa gloriole et sa propagande électorale : c’était proprement déplacé, cynique et révoltant ! Sans lien avec les valeurs et les engagements des résistants, que ce soient ceux des Glières, de Haute-Savoie, ou d’ailleurs.
Avec une mise en scène exécrable calculée précisément pour le JT de 20h du vendredi de clôture de la campagne électorale, le 4 mai 2007 !
J’ai immédiatement contribué à la dénonciation de cette imposture.
La mise en scène du politicien se répétera, avec une forme atteignant le guignolesque, au sein du douloureux cimetière de Morette, en 2008.
Pas de respect pour l’Histoire et ses martyrs chez ce petit personnage politique.