M. Peillon, courage !

La levée de mécontentements (allant jusqu'à une grève massivement suivie à Paris) face à la proposition d'amélioration des rythmes scolaires m'étonne et m'attriste.
Je crois avoir fait toutes les grèves de mon organisation syndicale nationale durant mon activité professionnelle.
Là, je n'aurai pu suivre le mot d'ordre. La réduction à quatre jours des activités à l'école primaire par X. Darcos en 2008 a été une attaque directe contre la scolarisation et le niveau scolaire des élèves, notamment des jeunes des milieux populaires.

Mon expérience m'a maintes fois montré que c'est le matin que les jeunes élèves sont les plus ouverts aux apprentissages intellectuels. Donc gagner une matinée de travail (de 4 matinées à 5 matinées), c'est fortement favoriser ce processus (+ 25%).
Il est prouvé par de nombreuses études sociologiques internationales que le temps et la régularité d'exposition aux apprentissages est une donnée de base forte du processus d'apprentissage, surtout quand le milieu familial ne peut apporter des éléments d’approfondissement et d'ouverture au monde au-delà du quartier où l'on vit.

De plus, cette offensive inouïe contre les conditions de scolarisation des enfants de notre nation s'abattit en 2008 sans concertation, ni précaution, pour être sûr que le débat scientifique autour du temps de l'enfant et des processus temporels d'apprentissage ne soit pas mené.
Sans compter que  ce fut l'occasion conjointe de détruire les RASED, les réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté, structuration souple permettant des interventions coordonnées entre les enseignants de la classe et des d'enseignants formés à un travail spécifique avec un public en échec.

Ce fut l'honneur de bien des enseignants de refuser concrètement cette bouillie indigeste amenée par X. Darcos et N. Sarkozy.

Je salue ici l'engagement d'Alain Refalo, instituteur à Colomier, près de Toulouse, qui ne cessa de dénoncer ce tour de bonneteau et assura constamment avec l'ensemble de ses élèves les deux heures supprimées par la droite au pouvoir (heures "remplacées" par une aide dite individualisée pour 5 élèves, se tenant très tôt le matin ou à la pause méridienne, fatigant encore plus la journée scolaire d'enfants peinant déjà à tenir la concentration quotidienne !)
La répression s'abattit sur cet enseignant de qualité, soutenu par les parents d'élèves, très soucieux de ses démarches pédagogiques et de son travail : il a notamment subi pendant des mois l'amputation de 2 jours  complets de salaire par semaine alors qu'Alain Refalo travaillait davantage ! Quelle absurdité inadmissible ! Comme il le rappelle, "depuis 2008, les élèves repérés en difficulté ont ainsi le «privilège» de subir la journée la plus fatigante qui soit…"
Des milliers d'enseignants étaient alors entrés en désobéissance, ce qui n'était pas une démarche facile pour des professionnels dans le domaine éducatif.

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Avec l'association CRHA, je l'ai accueilli à Glières en 2009, j'ai échangé avec lui. Je ne connaissais pas sa sensibilité politique si ce n'est son engagement dans le Mouvement d'Action Non violente, inspiré des démarches de Tolstoï, Gandhi, etc.

Un large mouvement de soutien se développa autour de son combat éthique et bien d'autres enseignants s'engagèrent dans les démarches de résistance pédagogique.

En 2012, j'ai eu la surprise et le plaisir de voir qu'il était candidat EELV aux élections législatives dans sa région.

C'est quelqu'un qui a pris des risques lourds pour sa vie professionnelle, qui a subi des pertes de salaires très importantes pour un combat éthique pour les élèves.
Alain Refalo a pris nettement position, dès novembre 2012, pour la réforme des rythmes scolaires de V. Peillon !
Il indiquait ainsi "J’invite Vincent Peillon et ses équipes à résister à ces immobilistes de tous poils. A résister et à convaincre. Pour cela, il est nécessaire que la refondation de l’école et la réforme des rythmes fassent l’objet de débats dans chaque commune, mais à condition que le cadre national précisé plus haut ne soit pas remis en cause."
Venant d'Alain Refalo, cela a du poids, cela a du sens.

Grève 2013 pour les élèves ?
                                                   Comme sous Sarkozy ?
Sous Sarkozy
Pour ma part, j'ai  fait des grèves où nous étions parfois moins de  50% de grévistes en Haute-Savoie même si beaucoup de départements avaient un nombre d'enseignants grévistes beaucoup plus important en primaire, et sur des sujets qui n'étaient pas que corporatifs. Je me souviens très bien qu'alors les scores de participation étaient beaucoup plus bas à Paris. Les journalistes et les sociologues pourront aisément le vérifier.
Je ne cherche pas à charger les collègues enseignants de Paris. Cela veut dire que leur situation particulière les poussent cette fois massivement à refuser ce retour au travail des élèves sur 9 demi-journées.
- Leur condition de salariés n'habitant le plus souvent pas sur place et venant  de la banlieue va leur faire perdre du temps et de l'argent en déplacement supplémentaire.
- L'intervention, spécifique à Paris, de moniteurs municipaux en EPS et d'animateurs en activités artistiques pourrait être décalée sur les temps péri-scolaires par la mairie.

Bref, les enseignants parisiens risquent de voir leurs conditions salariales et de travail détériorées.
Cela demande certainement une attention spécifique, mais certainement pas de renoncer à améliorer les possibilités d'apprentissage offertes aux enfants.

La bonne entrée ?
Pour réformer l'école, pour la refonder comme le dit V. Peillon, il a choisi d'entrer en action non pas par le  contenu des programmes, non pas par les démarches pédagogiques mais par les rythmes. C'est une entrée fondamentale, je l'ai esquissée plus haut.

Mais surtout , on le voit bien dans les différentes hésitations des maires, c'est l'entrée par le lien entre l'école et la commune : oui, le succès de l'école française de la 3ème République, personne ne le rappelle, c'est l'établissement d'une école publique, laïque, communale. La Communale !
Parmi les commentateurs, les journalistes, personne n'a mis l'accent sur ce lien. Et rappeler l'engagement très fort des instits dans la vie de leur commune, des patronages aux sociétés sportives, des associations culturelles à la vie municipale.
La refondation de l'école, par le retour de postes nécessaires au suivi démographique, par le rétablissement -fondamental- de la formation des enseignants et par l'amélioration des temps et conditions d'apprentissage des enfants est essentielle, elle vient d'être engagée. Et plus encore, ce renforcement de l'attention que chaque commune, chaque élu du peuple au sein des conseils municipaux doit porter à l'école communale, l'école de tous.

Oui, il y a sûrement un problème de déclassement et de coupure avec la vie locale des arrondissements et des quartiers pour les "instits" parisiens.
Aux élus de Paris de reconstruire ce lien.

M. Peillon, bravo et courage !